Attention au congé frauduleux d’un locataire gênant !
Le droit au logement, droit fondamental, est de plus en plus présent dans notre législation en particulier au sein de la Loi tendant à améliorer les rapports locatifs n° 89-462 du 6 juillet 1989 et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 rappelle en son article 1 que « le droit au logement est un droit fondamental ; il s’exerce dans le cadre des lois qui le régissent ».
Le même article prévoit que « l’exercice de ce droit implique la liberté de choix pour toute personne de son mode d’habitation grâce au maintien et au développement d’un secteur locatif et d’un secteur d’accession à la propriété ouverts à toutes les catégories sociales.
Aucune personne ne peut se voir refuser la location d’un logement pour un motif discriminatoire défini à l’article 225-1 du Code pénal.
Ainsi, la Loi encadre, comme chacun sait, les motifs des congés donnés, ainsi que les conditions et modalités de résiliation du bail d’habitation.
Pour le congé donné par le bailleur, celui-ci ne peut que faire jouer le terme extinctif du bail, tandis que le locataire peut s’en servir à tout moment.
Le bailleur doit justifier dans son congé de l’une des trois causes de non-renouvellement prévues par la loi de 1989 :
- la reprise du logement pour un nombre limité de bénéficiaires
- sa vente
- un motif légitime et sérieux
Des hypothèses de suspension du droit à délivrer congé ont été édictées par la loi ALUR du 24 mars 2014.
Au surplus, le bailleur doit des mentions spécifiques dans son courrier de reprise.
Enfin, le bailleur doit joindre une « notice d’information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d’indemnisation du locataire au congé délivré par le bailleur en raison de sa décision de reprendre ou de vendre le logement. Un arrêté du ministre chargé du logement, pris après avis de la Commission nationale de concertation, détermine le contenu de cette notice ». https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000030649902
Le congé doit être soit notifié par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, soit signifié par acte d'huissier.
Le délai est de 6 mois avant le terme du bail lorsque le congé émane du bailleur.
Le contrôle de la validité du congé est désormais prévu spécifiquement par la loi puisque le juge peut contrôler d’une façon effective et automatique ce congé lorsqu’il est saisi. Selon l’article 15 en « cas de contestation, le juge peut, même d’office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n’apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes ».
Le contrôle peut être a priori (avant le départ du locataire- Cass. 3e civ., 18 févr. 2003, n° 01-16664.) ou a postériori (après le départ du locataire) de sorte que les conséquences résultant de l’annulation du congé, pourront être soit la continuation du contrat de location, soit non pas la réintégration du locataire mais selon les cas une indemnisation pour le locataire !
Ainsi, la cour d’appel de Paris, après avoir jugé un congé frauduleux, annule ledit congé et « dit que le bail s’est reconduit (…) pour une durée de trois ans » (CA Paris, 6 sept. 2016, n° 14/16672).
Dans les décisions les plus récentes, les cours d’appel de Nîmes, de Chambéry, d’Aix-en-Provence et de Bordeaux, à titre d’exemples, ont indemnisé les preneurs suites à des congés annulés pour fraudes à leurs droits (CA Nîmes, 8 févr. 2018, n° 17/00820 – CA Chambéry, 18 janv. 2024, n° 22/00066 – CA Chambéry, 9 févr. 2023, n° 21/00732 – CA Aix-en-Provence, 7 sept. 2023, n° 20/00636 – CA Bordeaux, 22 mai 2023, n° 21/05880).
Le fait pour un bailleur de délivrer un congé justifié frauduleusement par sa décision de reprendre ou de vendre le logement est puni d'une amende pénale dont le montant ne peut être supérieur à 6 000 € pour une personne physique et à 30 000 € pour une personne morale.(Loi 89-462 du 6-7-1989 art. 15, IV).
Attention donc aux congés donnés de manière un peu trop hâtivement par le bailleur qui voudrait spéculer sur un changement de locataire ou se délier de celui qui ne lui convient plus.